Il faut un début à tout
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Gribouillis & cie
21 octobre 2020
Nous sommes déjà en octobre (cette année 2020 se sera écoulée étrangement). C’est l’automne, la saison où les températures redeviennent vivables, où il est à nouveau socialement acceptable de faire des biscuits à la cannelle, où les courges recolorent les intérieurs et les assiettes (ma préférée est le potimarron) (en plus c’est trop mignon comme nom). C’est aussi la saison de l’Inktober, que j’ai remplacé par le Drawtober cette année.
(Oui c’était une longue introduction, mais que voulez-vous, l’automne me rend bavard.) (Oui bon ok je sais j’écris toujours trop.) (Mais en théorie si vous êtes là c’est pour lire donc tout va bien.)
Le Drawtober propose seulement six thèmes, pour se laisser le temps de la création et de profiter du mois d’octobre. Parfait. Six thèmes pour lesquels j’ai décidé de faire six linogravures (mais quelle bonne idée Alexander…). Je vous propose donc – si ça vous intéresse – une série d’articles pour vous partager mon expérience (et qui sait, peut-être vous donner envie de tester la linogravure vous aussi) (et encore mieux, vous éviter certaines déconvenues). C’est parti !
Comme dit précédemment, je n’ai pas voulu me lancer dans l’Inktober « officiel ». J’ai un peu de mal à créer des choses depuis mars, et en plus je n’ai toujours pas fini l’Inktober 2019. Je crois que ce rythme ne correspond tout simplement pas à ma façon de travailler ni à mes exigences vis-à-vis du résultat. Donc arrêtons de nous faire du mal.
À la place, je suis donc tombé sur la liste Drawtober dont le principe m’a plutôt plu (de même que les thèmes).
(Note : je n’intègre pas directement de publications Instagram car sinon, Instagram vous traque – ou alors votre navigateur ne les affiche pas. Si l’image est cliquable, c’est qu’elle vous emmènera directement sur la publication ; mais comme ça, ce sera votre choix d’y aller.)
Peut-être vous souvenez-vous de ces petites cartes que j’avais faites pour la fin d’année 2018 ? C’était la première fois que je testais la linogravure, et j’avais beaucoup aimé (résultat et vidéo disponibles sur Instagram). C’était il y a presque deux ans.
Pendant presque deux ans, je me suis régulièrement dit « Ah, il faudrait que je me remette à la linogravure » (un peu comme on peut se dire « Ah, il faudrait que je me remette au sport » mais on ne le fait jamais) (en vrai j’ai été bien plus assidu pour courir que pour graver haha).
Bref, je me suis donc dit que c’était l’occasion. Que ça me permettrait de réessayer, de m’améliorer, de tester des choses. Qu’une linogravure tous les cinq-six jours, ce devrait être à ma portée. Surtout si j’avais déjà planifié les visuels en septembre.
Quelle naïveté… Je n’apprendrai donc jamais.
La première chose que je n’avais pas anticipée a été le temps passé à créer le visuel. J’ai l’habitude de travailler à l’aquarelle, à l’encre ou à gribouiller des trucs au stylo bille noir. C’est-à-dire : de faire des choses dont les contours ne sont pas nettement définis. Où c’est votre œil à vous qui choisit le bon trait et qui va trouver l’ensemble harmonieux (oui je suis un escroc).
Dans le genre « contours nettement définis », la linogravure se place plutôt bien, surtout quand on travaille en noir et blanc. C’est donc une manière complètement différente pour moi de concevoir les choses (sans compter qu’on fonctionne ici en négatif). Et ça m’a pris du temps. Beauuucoup de temps.
Pour ce premier thème (« carvings », donc « sculptures », sous-entendu « de citrouilles »), c’est le ciel qui m’a posé le plus de problème. J’ai mis une éternité à me décider. En fait, c’est ma meilleure amie (merci à elle) qui a tranché pour moi. Voici quelques exemples de recherches numériques :
(C’est toujours un peu stressant de montrer d’autres versions parce qu’on a peur que les gens disent quasi-unanimement « ah, je préférais celle-là » haha)
Si vous avez déjà vu le rendu final, vous savez que j’ai opté pour une pleine lune qui irradie un peu. Je pense que l’idée était de ne pas avoir un ciel trop encombré pour éviter de « parasiter » la partie citrouilles qui restait le point le plus important de l’image.
Pour reporter le dessin, j’ai utilisé du papier carbone noir (ce qui fonctionne mieux que de passer par du papier calque je trouve, mais qui nécessite d’avoir déjà retourné le dessin à l’horizontale). Comme je suis fainéant et que je voulais tout de suite graver, je n’ai pas repassé les traits à l’encre. Donc évidemment, à force de passer ma main dessus, ça a finit par s’estomper voire s’effacer *Pikachu surpris* Mais ce n’était pas trop grave, car le dessin me sert davantage de guide que de tracé précis.
Bon, regardons les choses en face : j’étais bien rouillé, il fallait reprendre le coup de main. Et au bout de quelques coups de gouge seulement (j’ai commencé par la lune), j’ai dérapé là où je n’étais pas censé aller :D Allez, on respire, et on adapte le dessin (d’où l’intérêt pour moi de ne pas « m’enfermer » psychologiquement dans un tracé précis).
Je m’en doutais quand j’ai fait mon croquis numérique, mais les citrouilles du fond ont été compliquées à graver parce que bien trop petites. En plus comme je suis intelligent, ce sont celles dont je me suis occupé en premier (au lieu de me faire la main sur des choses plus grosses). D’un autre côté, c’était assez gratifiant parce que je voyais moi-même que je gravais de mieux en mieux.
Même si je me suis coupé une fois, je suis assez fier d’avoir été très attentif à l’endroit où je posais ma main gauche et à l’avoir régulièrement enlevée de la trajectoire de la gouge (j’ai des preuves en vidéo). De ce que j’ai observé, il y avait deux situations où il y avait plus de risques que ça arrive :
Donc si vous gravez, redoublez d’attention dans ces moments-là. (Mon petit doigt s’en remet, ne vous inquiétez pas.)
Ah, autre conséquence de ma fainéantise à encrer le dessin avant de graver (parce qu’au-delà du tracé, il est aussi conseillé d’encrer les surfaces que l’on épargne, c’est-à-dire que l’on ne grave pas) ! Vous voyez, il y a deux types de lignes de citrouilles : celles en noir (dont les yeux sont gravés) et celles en blanc (dont l’intérieur est gravé et les yeux épargnés). Pour celles en blanc, je m’étais bien dit « il ne faudra pas que je me trompe et que je creuse le détail des visages ». Eeet vous l’avez deviné, ça n’a pas manqué (en même temps, quelle meilleure idée que de s’attaquer à ça après le repas du soir). Il s’agissait de la bouche de la citrouille qui sourit un peu stupidement. Ô rage ô désespoir.
Deux solutions s’offraient à moi : accepter son destin ou tenter de la recoller.
J’ai choisi d’essayer de la recoller (j’aimais vraiment bien ce sourire). J’avais de la chance, car je l’avais enlevée presque entièrement d’un seul coup de gouge, je n’avais donc qu’un morceau bien identifiable à remettre en place. Pour ce faire, j’ai :
Eh bien il se trouve que ça a fonctionné. Mais ça, je ne pouvais pas en être certain avant de faire une impression test. Quand j’ai gravé l’intérieur de la citrouille, j’ai donc laissé une seconde bouche au-dessus au cas où la première ne rende pas bien, et il me suffirait de retoucher la plaque après le test.
Après avoir lu des quantités d’articles sur la linogravure, j’ai retenu que s’il y a une chose qui peut améliorer sensiblement la qualité de l’impression, c’est le rouleau. Je me suis donc équipé de nouveaux rouleaux japonais à gomme souple (la gomme dure étant moins adaptée à cette technique). J’étais frais comme un gardon (non mais vraiment, qui utilise cette expression) avant de commencer, pressé de tester mon rouleau magique et d’avoir sous les yeux des impressions magnifiques. Vous sentez venir la suite ? :D
Pour rappel, c’est de l’impression vraiment manuelle : j’encre la plaque, je place la feuille, je protège le dos de la feuille avec du calque pour éviter les taches d’encre, puis je frotte à la cuillère à soupe en faisant des petits cercles sur toute la surface.
J’avais oublié à quel point c’était long et fatigant… Autant sur mes petites cartes A6 ça allait, autant là (25 x 16 cm) c’était une autre paire de manches. Sérieusement, je vous déconseille de faire un format plus grand que du A5 si vous imprimez à la cuillère et que vous avez beaucoup d’aplats.
Tout allait bien au début, c’étaient les impressions test, donc pas d’attentes particulières. J’ai choisi la bouche que je voulais garder, j’ai retouché certains endroits, j’ai ajusté la quantité d’encre à appliquer… J’ai aussi pu remarquer qu’à l’impression, les contours apparaissaient plus anguleux que ce que me laissait imaginer la plaque de lino (ça se voyait surtout au niveau des petites citrouilles du fond).
Puis je me suis retrouvé avec un grain dégueu sur les cinq dernières impressions que j’ai faites (après j’ai ragequitté haha). Sur le principe, le grain de l’impression manuelle ne me dérange vraiment pas, au contraire : je trouve que ces imperfections donnent un certain charme au résultat. Par contre là, je ne sais pas ce qu’il s’est passé, mais au lieu d’un grain blanc, j’avais une espèce de grain grisâtre que je n’ai pas du tout aimé. Ça rendait les noirs « sales ». Peut-être que l’encre précédemment appliquée sur la matrice avait commencé à sécher ? Aucune idée. Si vous savez, n’hésitez pas à éclairer ma lanterne.
Bref, c’était un peu la tristitude. Je m’attendais à tâtonner au début puis à prendre le coup de main (tout en ratant une impression par-ci par-là), mais non. Sur les dix estampes que j’ai imprimées (en comptant les tests du début), il n’y en a que deux potables. Je vais en rester là pour le moment avec cette matrice. Ça rendrait peut-être mieux avec une presse ? Il faudrait que je me renseigne pour savoir s’il y a des ateliers à Lyon qui louent l’utilisation de leurs presses.
Notons tout de même un point positif : grâce au marquage sur ma plaque de coupe, je crois que j’ai réussi à centrer toutes mes impressions ! Et si ça vous intéresse, j’ai posté une vidéo du processus sur Instagram.
Je change mes plans pour la suite, parce que ce que j’avais prévu est clairement trop ambitieux (pourtant j’avais eu l’impression d’être raisonnable haha). Même si les prochains visuels étaient déjà censés être moins grands que celui-ci, je vais faire plus petit, moins complexe. Du moins je vais essayer, rendez-vous au prochain épisode.
Là typiquement, j’aurais dû isoler un groupe de courges (celles qui sont superposées avec le corbeau par exemple), ajouter quelques plantes et bim, j’avais une petite compo sympa. J’hésite presque à le faire d’ailleurs.
Aussi, je vais sauter les deuxième (« wicked apothecary ») et troisième (« midnight feast ») thèmes et les faire plus tard, dans l’espoir de rattraper le train en marche, parce que c’est quand même plus sympa de poster en même temps que tout le monde (ok je n’y crois pas trop mais comme on dit, l’espoir fait vivre).
Voici donc les conseils que j’ai pu tirer de cette première expérience et que je peux vous donner (prenez ce que vous voulez) :
Alors oui ça peut paraître être du bon sens, mais visiblement mon moi du passé s’est cru au-dessus du bon sens :D
Et le plus important : ne vous découragez pas. C’est une courbe d’apprentissage. En écrivant cet article, je me suis rendu compte que même si le résultat n’est pas à la hauteur de mon investissement émotionnel (et temporel), le chemin parcouru n’est pas négligeable et me rapproche de meilleures linogravures à venir :) (C’était l’instant positivité.) (Comment ça c’est beau l’auto-persuasion ?)
Voilà voilà, j’espère que cet article aura été instructif ou au moins divertissant ! D’ailleurs, pour finir sur une note instructive et divertissante, dans mon dessin se cachent des citrouilles ET des potirons. Savez-vous faire la différence entre les deux ? (Moi je ne savais pas avant de regarder la vidéo, merci Jamy.)
20 mars 2019